Riccardo Del Fra est né à Rome en février 1956.
Il étudie la contrebasse au conservatoire de Frosinone où Franco Petracchi et Franco Noto sont ses professeurs. Il mène en parallèle des études de sociologie à l’université de Rome. L’orchestre de la RAI (Radio Télévision Italienne) fait appel régulièrement au jeune contrebassiste qu’il est pour les concerts jazz et les enregistrements, notamment pour de nombreuses musiques de films.
L’Italie
Il se produit avec diverses formations de musiciens italiens (le pianiste Enrico Pieranunzi, le saxophoniste Maurizio Giammarco, le batteur Roberto Gatto, le trompettiste Oscar Valdambrini, le tromboniste Dino Piana). Il accompagne aussi des jazzmen américains de passage en Italie et en Europe puis au Japon, aux Etats-Unis et un peu partout dans le monde. Il joue aux côtés de très nombreux solistes (Art Farmer, Dizzy Gillespie, Art Blakey, Sonny Stitt, James Moody, Lee Konitz, Tommy Flanagan, Kai Winding, Clifford Jordan, Horace Parlan, Joe Diorio, Kenny Wheeler, Paul Motian, Dave Liebman, Vernell Fournier, etc.). Il est également le contrebassiste titulaire de divers groupes (Barney Wilen, Bob Brookmeyer, Johnny Griffin, Toots Thielemans, Michel Herr, Charles Loos).
Fin 1979, il joue à Rome avec le trompettiste Chet Baker. Rencontre décisive, puisqu’il va l’accompagner pendant neuf ans, en Europe et au Japon pour de longues tournées, des radios, des télévisions. De cette collaboration, naîtront douze disques,des vidéos, le film Chet’s Romance de Bertrand Fèvre, et Chet Baker trio live in London at Ronnie Scott’s. De Chet Baker, Riccardo dit : « Il a influencé ma manière de jouer et d’écrire. De la qualité du son dans la rondeur avec un très léger vibrato dans le sustain, à une relation directe avec la vocalité dans tout geste instrumental, de la recherche de construction de longues phrases traversant les harmonies à une pensée quasi constante de la respiration et du silence.»
La France
Au début des années 80, installation à Paris, où il fait alors partie d’une section rythmique très active avec le pianiste Alain Jean-Marie et le batteur Al Levitt, tout en continuant à jouer avec Chet Baker et Michel Graillier (piano). En 1989, Riccardo Del Fra dédie à Chet, disparu en mai 1988, son disque A Sip Of Your Touch, une série de duos avec Art Farmer, Dave Liebman, Enrico Pieranunzi, Rachel Gould et Michel Graillier (Grand prix Fnac 1989). Ce disque est réédité en janvier 2007 chez Nocturne (Plus loin music) et à nouveau récompensé (Choc Jazzman, Disque d’émoi Jazzmag).
Après la disparition de Chet, il se consacre à l’étude de la composition. Dans les années 90, le tromboniste et compositeur Bob Brookmeyer, dont il a suivi les classes de composition à Cologne, l’invite à faire partie de son quartet. Ils tourneront ensemble et enregistreront le CD Paris Suite (Grand Prix de l’Académie du Jazz en 1994).
Les rencontres
Eclectique et sans a priori, Riccardo Del Fra l’est et le revendique. Il fait des incursions dans la musique contemporaine, aime autant Charlie Parker que Gustav Mahler, John Coltrane que Ligeti, Debussy, Alban Berg, Henri Dutilleux ou Tôru Takemitsu, compositeur japonais qu’il chérit particulièrement. L’ensemble 2e2m de Paul Mefano a fait appel à lui pour des concerts et l’enregistrement d’un disque de musiques de Tôru Takemitsu (CD Tree Line, Rain Coming ; Assai-222182). Il écrit plusieurs oeuvres où le jazz et l’improvisation rencontrent une écriture exigeante : Silent Call, pour quartet de jazz et orchestre à cordes, créé au Théâtre de la Ville de Paris en 1993 ; Inner Galaxy, pour saxophone ténor soliste, contrebasse et quatuor de violoncelles, créé à Anvers, en 1995, pour le Festival des Flandres.
En 1996, c’est à la musique traditionnelle qu’il mêle ses cordes. La rencontre avec la chanteuse bretonne Annie Ebrel donnera vie à un duo très particulier et à une création au Théâtre de Quimper, Douar Glizh, puis l’enregistrement de Voulouz Loar - Velluto di Luna, "Choc" du Monde de la Musique et "Diapason d’or" de l’année 1999. En 2001, le duo s’entoure d’invités : Paolo Fresu (tp), Laurent Dehors (cl), Kuljit Bhamra (tabla) et Jean-Luc Landsweerdt (d) pour créer Flouradenn à Paris, au Théâtre de la Ville (Abbesses).
Le cinéma
Si la musique a toujours été présente dans la vie de Riccardo, le cinéma a également nourri son enfance et sa jeunesse. «Ma mère adorait le cinéma et beaucoup de ses musiques...et dans les années 60, la télé italienne passait un nombre incroyable de films dès 11 heures. On se préparait, on attendait, c’était comme un rituel ». Lorsqu’il jouait avec l’orchestre de la RAI, il a participé à des enregistrements de musiques de films comme La Cité des femmes, avec le souvenir de Fellini non loin de lui dans le studio, qui supervisait le travail de Louis Bacalov, le compositeur qui venait de succéder à Nino Rota ; La Peau de Liliana Cavani (musique de Lalo Schifrin) et d’autres signées Ennio Moricone, Piero Umiliani, Gianni Ferrio, etc. Depuis plusieurs années, il compose à son tour pour le 7e Art, et particulièrement pour le cinéaste Lucas Belvaux. Il a écrit la musique des films : Pour rire avec Ornella Muti et Jean-Pierre Léaud, (1996) ; la Trilogie (2002) constituée des films : Un couple épatant /Cavale/ Après la vie, prix Louis Delluc, La Raison du plus faible (2005), sélection officielle du Festival de Cannes 2006, Rapt (2009) ou pour la télévision Mère de toxico (2000), Nature contre nature (2005). Et en 2007, toujours pour Lucas Belvaux, Les Prédateurs (4 h de film sur “l’Affaire Elf”). La Cinémathèque française lui a donné une carte blanche en mars 2008. Il est aussi régulièrement sollicité pour créer (et jouer) la musique de films muets (au musée d’Orsay en février 2008 dans le cadre d’un festival du cinéma muet).
L’enseignement
En septembre 2004, il a été nommé responsable du Département Jazz et Musiques Improvisées au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP), où, en 1998, il avait pris la succession, comme enseignant, du contrebassiste Jean-François Jenny-Clark. Sa volonté de décloisonner et le désir d’élargir les champs d’actions et d’interactions sont au coeur de son travail au conservatoire (comme dans sa propre musique). Il aime construire des passerelles, aménager des rencontres entre les mondes du jazz et les mondes du classique et du contemporain qui semblent parfois éloignés « mais qui, dit-il, peuvent avoir les mêmes exigences et partager les mêmes rêves en réalité ».
Il initie bon nombre de collaborations avec d’autres disciplines du CNSMDP, la danse par exemple, ainsi que des master classes ouvertes à des personnalités provenant d’univers très différents. Le pianiste Michael Levinas sur l’oeuvre pianistique de Claude Debussy, Alain Mabit sur Olivier Messiaen ou encore le compositeur Denis Cohen sur l’orchestration. Il accueille des musiciens de jazz, mais représentant des esthétiques différentes (Joey Baron, Enrico Rava, Alain Jean-Marie, André Villégier, Bruno Chevillon, Archie Shepp, Barry Guy, Henri Texier, Daniel Humair, Louis Sclavis, François Jeanneau, Michel Portal, Bernard Lubat, Marc Ducret,
Ran Blake, Billy Hart, Dave Liebman, Tim Berne, Vince Mendoza, Gil Goldstein Jim McNeely, Adam Nussbaum, Ralph Alessi, Jeff Ballard…). Des journalistes, des directeurs de festivals ou de lieux de diffusion sont aussi invités afin de donner aussi aux jeunes musiciens une ouverture sur le monde du travail et une meilleure connaissances des aspects techniques de la profession. Pour Riccardo : « Ce que nous transmettons aux jeunes musiciens passe évidemment par la technique, le style, l’histoire, le répertoire, mais nous devons aussi être à leur écoute, veiller à leur potentiel créatif et les aider à grandir. «Le professeur» est un musicien actif et l’étudiant est un futur collègue. L’ouverture, la disponibilité et l’humilité sont essentielles. Savoir écouter les autres et soi-même – l’importance de ce qui est dit, ou non-dit, ce qui est écrit ou non écrit, ce qui est suggéré et/ou sous-jacent dans la conception d’une oeuvre musicale écrite ou improvisée ».
En 2003, Riccardo Del Fra a été nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture et de la Communication. En 2005, il constitue le Jazoo Project, un sextet composé de jeunes musiciens issus pour la plupart du Conservatoire, avec lequel il enregistre Roses & Roots. Disque-voyage, souvenir de lieux et d’êtres qui ont jalonné sa route musicale, Roses & Roots a été largement récompensé (4*Jazzman, Disque d’émoi Jazzmag, R10 Classica-Repertoire, 4 f Télérama, 4 *Le Monde de la Musique...). Riccardo a reçu, en novembre 2006, le Django d’Or du “Musicien confirmé”, la plus haute des distinctions décernée dans le monde du jazz. L’Académie du Jazz lui a décerné, en janvier 2008, le prix du “Meilleur musicien européen”.
En 2009, Riccardo Del Fra écrit Sky changes - Tree thrills pour l’Ensemble Intercontemporain et le saxophoniste Dave Liebman. Ces deux pièces ont été créées à la Cité de la Musique à Paris par l’Ensemble sous la direction de Susanna Mälkki le 12 mars 2009, et ont été jouées en octobre 2010 à la Manhattan School of Music de New York par le Chamber Jazz ensemble et Tactus et Dave Liebman. Ce concert a été enregistré pour un disque, Sky Changes, à paraître en 2012 (Jazzheads).
Actualités et projets
En août 2011, le festival Jazz in Marciac a accueilli sa création My Chet My Song, avec Roy Hargrove à la trompette, Pierrick Pedron au sax alto, Bruno Ruder au piano, Billy Hart à la batterie, lui-même à la contrebasse et l’orchestre du Conservatoire de Toulouse. Dans cet hommage à Chet Baker, enregistré par la chaîne de télévision Mezzo, Riccardo Del Fra a écrit et conçu un univers sonore où les standards prennent une épaisseur et un velouté nouveaux grâce à une orchestration qui fait croiser les voix – jazz et classiques – dans un frisson soyeux, fluide et lumineux. Cette création se prolonge avec la formation d'un quintette avec Airelle Besson à la trompette, Pierrick Pedron au saxophone alto, Bruno Ruder au piano et Billy Hart à la batterie..
Son activité de leader donne naissance à divers projets : le trio Intime In Time (avec Glenn Ferris et Alain Jean-Marie), le sextet Jazoo Project ; des créations avec le clarinettiste John Ruocco ou en trio avec le pianiste Marc Copland et le batteur Billy Hart. En janvier 2011 et 2012, le pianiste Danilo Perez invite Riccardo à jouer dans son festival, le Panama Jazz Festival à Panama City.